Textes non classés


Abbas BEYDOUN
CEUX-LA

Je m'assois entouré
Par ceux-là
Qui m'ont fait
Solitaire.

Traduit de l'arabe (Liban) par Abdul Kader EL JANABI
In Poésie 1, la poésie arabe contemporaine, septembre 2001
Le cherche midi éditeur


Mahmoud DARWICH

Ainsi qu'une fenêtre, j'ouvre sur ce que je veux
J'ouvre sur mes amis qui apportent le courrier du soir
Du pain, du vin, quelques romans
Et des microsillons

J'ouvre sur des mouettes et des camions de soldats
Qui changent les arbres de ce lieu

J'ouvre sur le chien de mon voisin émigré
Il y a un an et demi, au Canada

J'ouvre sur Abou al-Tayib al-Mutanabbi
Parti de Tibériade vers l'Egypte
Sur le cheval du chant

J'ouvre sur la rose de Perse qui grimpe la clôture de fer

Ainsi qu'une fenêtre, j'ouvre sur ce que je veux
(...)

Pourquoi as-tu laissé le cheval à sa solitude ?
Traduit de l'arabe par Elias SANBAR
Actes Sud, 1996


Nelly SACHS

Mains
Des jardiniers de la morts
Vous qui des camomilles en berceaux
Prospères dans les rudes terres
Ou le long de la pente,
Avez cultivé la mort
Monstre des serres de votre industrie.
Mains,
Brisant le tabernacle du corps
Happant, carnassières de tigre,
Les signes des secrets-
Mains,
Que faisiez-vous
Lorsque vous étiez mains de petits enfants ?
Teniez-vous un harmonica, la crinière
D'un cheval à bascule, avez-vous dans l'obscurité saisi la jupe d'une mère
Montré un mot dans un livre de lecture-
Etait-ce Dieu peut être, ou homme ?

Ô toi main qui étrangle,
Ta mère était-elle morte,
Ta femme, ton enfant,
Que tu n'aies plus que la mort dans ta main,
Dans cette main qui étrangle ?

Eclipse d'étoile
Traduit de l'allemand apr Mireille GANSEL
Verdier, 1999


Nelly SACHS

Réaction à l'assassinat, par le groupe Stern, de Bernadotte, représentant de l'ONU pour la Palestine.
On ne peut que prier et supplier que les persécutés ne deviennent jamais persécuteurs

In Eclipse d'étoile
Traduit de l'allemand par Mireille GANSEL
Verdier, 1999

Peter HUCHEL

OPHELIE (Septembre 1965, dans la nuit les gardes frontières de la RDA abattent une jeune fille qui tentait de franchir la Spree à gué) A Nelly SACHS

Plus tard, le matin,
aux premières lueurs blanches
le bruit des bottes qui pataugent
dans la vase des eaux,
le heurt des perches qu l'on pousse,
un ordre rauque,
ils soulèvent la boueuse
nasse des barbelés.

Pas de royaume,
Ophélie
où un cri
creuse l'eau
où par magie
la balle
contre la feuille de saule vole en éclats.

Au soir approchent les amis
Traduit de l'allemand par Mireille GANSEL
Ed. Toni Pongratz Verlag


Fadhil AL-AZZAWI
INTERSECTIONS

... le navire qui n'a jamais accosté
... la maison qui n'a jamais été bâtie
... le chemin qui n'a jamais été parcouru
... la lettre qui n'est jamais arrivée
... le puits qui n'a jamais été creusé
... l'arbre qui n'a jamais été planté
... la cigarette qui n'a jamais été fumée
... le café qui n'a jamais été bu
... la mort qui n'est jamais venue
... et la vie qui n'a jamais commencé.

Sur chaque navire, un passager clandestin
Dans chaque maison, des souvenirs perdus
Sur chaque chemin, une caravane de retour
Sur chaque missive, une phrase oubliée
Dans chaque puits, un Joseph qui pleure
Sur chaque arbre, une pomme interdite
Dans chaque cigarette, un Indien peau rouge
Dans chaque café, une amertume
Dans chaque mort, un ange éméché
Dans chaque vie, des croque-morts qui attendent.

Là-bas, au poste frontière
Un douanier te reconnaît
Tends-lui la main et souris
Et tu traverseras en toute tranquilité.

Traduit de l'arabe (Irak) par Abdul Kader EL JANABI
In Poésie 1, la poésie arabe contemporaine, septembre 2001
Le cherche midi éditeur


Fadhil AL-AZZAWI
DES TRACES SUR LE SABLE

Un monstre primitif est passé par ici
Les nomades ont laissé de traces païennes
Sur l'escalier de pierre d'un puits asséché.

Du sang sur le sable,
Des cris étouffés
Et dans un point d'eau,
Des guerriers lavent leurs épées
Après la bataille.

Tant de caravanes sont passées par ici
Sans même que l'on entende le bruit
Des chevaux sur les routes.

La proie pâture
Le couteau est dans sa gaine
Laisse la proie brouter l'herbe
Et le couteau dans son fourreau !

Si tu étais renard, alors tu fuirais dans la forêt
Si tu étas captive
Alors je briserais tes chaînes.

J'ai longtemps parcouru ce chemin.
Et toujours nous étions ici...

Traduit de l'arabe (Irak) par Abdul Kader EL JANABI
In Poésie 1, la poésie arabe contemporaine, septembre 2001
Le cherche midi éditeur


Nino FERRER
Barberine

Elle dort profondément
Et je suis allongé près d'elle
Et la machine à laver la vaisselle
Travaille dans la cuisine
Avec
Un bruit
Régulier
De train
De nuit

Les changements de rythmes dus aux différentes phases
Du programme de lavage
Sont comme des passages de tunnels ou de viaducs
Et parfois un aiguillage provoque un claquement
Qui se répercute à chaque boggie et trouble pendant
Un instant
La paisible respiration de cette jeune fille qui ressemble
A un train
Et que je regarde dormir à travers la nuit

En fait Barberine est un être tout à fait imaginaire
Et toute ressemblance avec des personnages existants
Serait absolument fortuite et miraculeuse
C'est pourquoi je n'est pas de scrupules à la raconter
Comme elle est
Elle m'a d'ailleurs autorisé à le faire
Et ne m'a rien caché de ses vices
Et de ses fantasmes
Et de ses aventures
Et de ses expériences
Mais je n'ai jamais pu pénétrer dans son jardin secret
Et parfumé de tubéreuses.
Bof!


Iskander HABACH
Pointe de nuit

(extrait)

Toi, au commencement de la nuit

J'aime la luminosité D'après le frisson...

J'essaierai De trouver une ville Pour que tu me donnes le reste De ton corps

Traduit de l'arabe (Liban) par Jean-Charles DEPAULE
In Poésie 1, la poésie arabe contemporaine, septembre 2001
Le cherche midi éditeur


Noosphère 2
noosphere2@chez.com