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Un grande part de la littérature est constituée de références, de déférences aussi, à la littérature.
Henry Miller a même écrit Les livres de ma vie, un ouvrage où il présente les auteurs et leurs oeuvres qu'il aime. Ce livre se termine par une dizaine de pages recensant les livres qui l'ont marqué.

Cette partie de Noosphère 2 rassemble donc des poèmes qui parlent de poèmes, qui parlent de lecture, des chansons qui parlent de chansons ou d'écriture...

Bonne lecture !

  • Magyd CHERFI/ZEBDA, Le Petit Robert
  • Maxime LE FORESTIER, la visite
  • Gilles BAUDRY, Les mots ne disent...
  • VICTOR HUGO, L'année terrible, A qui la faute ?
  • Hubert-Félix THIÉFAINE, Autorisation de délirer
  • Serge PEY, Graffiti
  • Armand GATTI, L'improvisation de Kreutsberg
  • Léo FERRÉ, Des armes

  • Magyd CHERFI/ZEBDA
    Le Petit Robert

    L'ocasion de me remémorer ce que je dois moi aussi au Petit Robert. Combien d'heure passées à lire dans le Robert 2, des biographies de dix lignes qui finissaient toujours par "il meurt fou", au lieu de faire le travail pour le lendemain... Combien de temps passé à recenser les étymologies gauloises dispersées dans le Robert 1 ?
    Merci en tout cas pour ces images qui m'auront fait découvrir Andréa Doria, Maillol et le cirque de Gavarnie.

    Petit, j'étais largué, on dit ici "à Lourdes"
    Dans ce que l'on appelle une famille lourde
    L'amour y était le contraire du doute
    La tête collée contre le poêle à mazout
    Rêveur et j'ose même dire dans le coton
    A attendre qu'on me dessine un mouton.

    Mouton je l'étais jusque dans la tonsure
    Mais les Brushings font pas dans la littérature
    La main de ma mère était là en cas de doute
    Comme un parapluie qui te protège des gouttes
    De pluie, et j'ose même dire du mauvais temps
    On avait rien, on était content.

    Refrain
    Mais c'était avant qu'on me dise dégage
    Et qu'on ne me parle plus au présent
    Avant qu'on déchire mes pages
    Et qu'on me dise: "place et au suivant"

    Avant qu'on ne me dise il n'y a plus de place assise
    Et... avant qu'on ne me parle plus au présent
    Avant qu'on ne me déchire une page et qu'on me dise
    Avant c'était avant... et place au suivant.

    Petit, j'étais gentil, j'étais même agréable
    J'écrivais les deux coudes posés sur la table
    J'ôtais de ma bouche les insanités
    Comme un petit prince de l'humanité
    Rêveur, je cédais ma place aux personnes âgées
    Pour un sourire, une poignée de dragées.

    J'enlevais ma casquette en entrant à l'école
    Mais être poli, ça dispense pas des colles
    Gentil, et tout à la fois dernier de la classe
    Eveillé, comme pouvait l'être une limace
    Je dormais, j'ose même le dire si profond
    Et que s'écroule le plafond.

    Refrain

    Car j'attendais, petit prince des gloutons
    Qu'on me porte à la bouche des paquets de bonbons
    Y avait pas la monnaie mais c'était tout comme
    Car le baiser remplaçait l'économe
    Rêveur, et malgré les corvées de charbon
    Ma récompense était un bisou à l'horizon

    Mais dépassé le siècle où on te met au couvent
    J'étais si nul, ma mêre a pris les devants
    Et se pointait à l'école un chiffon dans la chevelure
    La maîtresse disait "regardez ces ratures!"
    Le coeur en miettes, elle faisait parler l'eau et le sel
    Et s'en retournait à sa vaisselle...

    Refrain

    A 18 h pétantes, se pointait le maçon
    Un seul regard et à l'heure des cuissons
    Y disait "vous voulez qu'on nous coupe les bourses"
    A ces mots une larme descend de la grande ourse
    Et j'ai compris qu'il y avait qu'une façon
    D'apprendre l'art de la multiplication.

    Depuis j'ai plus voulu ressembler aux statues
    Et j'ai laissé mes potes à la salle de muscu
    Ma mère m'a jeté un bouquin sur la table
    Un gros machin qui rentrait pas dans mon cartable
    C'est tous ces mots qui ont allumé la lumière
    Et spéciale dédicace au petit Robert.


    Un peu de légèreté avec cet hommage de Maxime Le Forestier à la Supplique pour être enterré sur la plage de Sète de Georges BRASSENS

    LA VISITE
    Maxime Le Forestier

    C'était un jour d'été comme on en fait beaucoup
    Entre mer et garrigue au début du mois d'août
    Un air de chanson dans la tête

    Et puis l'envie de voir si la mer était bonne
    Je roulais par hasard entre Nîmes et Narbonne
    Je me suis arrêté à Sète

    Poussé par les voitures ou porté par les vents
    Dans cette cité-là, que l'on passe en suivant
    N'importe quel itinéraire

    À peine a-t-on le temps de quitter les faubourgs
    C'est là le résumé de la vie le plus court
    On se retrouve au cimetière

    Le calme anonymat qui réside en ce lieu
    Est celui que l'on voit chez les morts de banlieue
    On chercherait l'extravagance

    Aussi libre qu'on ait vécu, décidément
    On est toujours guetté par un alignement
    Sauf de discrètes différences

    C'est un pin parasol qui n'aura pas éclos
    Tant viennent les amis piétiner cet enclos
    J'ai peu d'espoir qu'il ne grandisse

    Ils continueront donc de rôtir au zénith
    Mais de tous leurs bouquets posés sur le granit
    Pas un ne m'a semblé factice

    Au milieu d'un essaim de touristes en chaleurs
    J'ai vu s'épanouir une petite fleur
    Qui semblait marcher comme on danse

    Avec deux seins de soie déguisés par un voile
    Et l'ombre de ta croix n'a pas bougé d'un poil
    Je me demande à quoi tu penses

    À quoi tu penses donc, laquelle as-tu choisie
    Des ruses que les hommes ont trouvées jusqu'ici
    Pour rendre la mort moins cruelle

    Survie de l'âme ou fin de tout, quoi qu'il en soit
    C'est pas beau de mourir pour demeurer de bois
    Aux larmes d'une demoiselle

    Comme elle avait vingt ans et qu'elle était jolie
    La laisser s'en aller n'eût pas été poli
    Les chagrins sont durs à cet âge

    On avait une sorte d'ami en commun
    C'était mieux qu'un début, je lui ai pris la main
    Nous voilà partis pour la plage

    Entre le bruit des vagues, le son des soupirs,
    Les sardanes funky qu'on entendait glapir
    En modulation de fréquence,

    Et les cris des enfants qui s'ébattaient dans l'eau
    Quelque maître nageur sifflait un pédalo
    Voguant vers l'horizon, vacances!


    Gilles BAUDRY

    Les mots ne disent
    Que ce qu'ils taisent

    et quand la neige aurait tout recouvert : hameaux, vergers, labours mer et mémoire

    nous n'aurions que la nuit pour voir clair

    qu'une vie pauvre pour écrire réduit à l'essentiel munis de notre seul étonnement.

    Invisible ordinaire, Rougerie, 1995


    Victor HUGO
    L'année terrible / A qui la faute ?

    Tu viens d'incendier la Bibliothèque ?
    - Oui.
    J'ai mis le feu là.
    - Mais c'est un crime inouï !
    Crime commis par toi contre toi-même, infâme !
    Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme !
    C'est ton propre flambeau que tu viens de souffler !
    Ce que ta rage impie et folle ose brûler,
    C'est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage
    Le livre, hostile au maître, est à ton avantage.
    Le livre a toujours pris fait et cause pour toi.
    Une bibliothèque est un acte de foi
    Des générations ténébreuses encore
    Qui rendent dans la nuit témoignage à l'aurore.
    Quoi! dans ce vénérable amas des vérités,
    Dans ces chefs-d'oeuvre pleins de foudre et de clartés,
    Dans ce tombeau des temps devenu répertoire,
    Dans les siècles, dans l'homme antique, dans l'histoire,
    Dans le passé, leçon qu'épelle l'avenir,
    Dans ce qui commença pour ne jamais finir,
    Dans les poètes! quoi, dans ce gouffre des bibles,
    Dans le divin monceau des Eschyles terribles,
    Des Homères, des jobs, debout sur l'horizon,
    Dans Molière, Voltaire et Kant, dans la raison,
    Tu jettes, misérable, une torche enflammée !
    De tout l'esprit humain tu fais de la fumée !
    As-tu donc oublié que ton libérateur,
    C'est le livre ? Le livre est là sur la hauteur;
    Il luit; parce qu'il brille et qu'il les illumine,
    Il détruit l'échafaud, la guerre, la famine
    Il parle, plus d'esclave et plus de paria.
    Ouvre un livre. Platon, Milton, Beccaria.
    Lis ces prophètes, Dante, ou Shakspeare, ou Corneille
    L'âme immense qu'ils ont en eux, en toi s'éveille ;
    Ébloui, tu te sens le même homme qu'eux tous ;
    Tu deviens en lisant grave, pensif et doux ;
    Tu sens dans ton esprit tous ces grands hommes croître,
    Ils t'enseignent ainsi que l'aube éclaire un cloître
    À mesure qu'il plonge en ton coeur plus avant,
    Leur chaud rayon t'apaise et te fait plus vivant ;
    Ton âme interrogée est prête à leur répondre ;
    Tu te reconnais bon, puis meilleur; tu sens fondre,
    Comme la neige au feu, ton orgueil, tes fureurs,
    Le mal, les préjugés, les rois, les empereurs !
    Car la science en l'homme arrive la première.
    Puis vient la liberté. Toute cette lumière,
    C'est à toi comprends donc, et c'est toi qui l'éteins !
    Les buts rêvés par toi sont par le livre atteints.
    Le livre en ta pensée entre, il défait en elle
    Les liens que l'erreur à la vérité mêle,
    Car toute conscience est un noeud gordien.
    Il est ton médecin, ton guide, ton gardien.
    Ta haine, il la guérit ; ta démence, il te l'ôte.
    Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute !
    Le livre est ta richesse à toi ! c'est le savoir,
    Le droit, la vérité, la vertu, le devoir,
    Le progrès, la raison dissipant tout délire.
    Et tu détruis cela, toi !
    - Je ne sais pas lire.

    In Quoi de neuf ? Victor Hugo ! Victor Hugo et les poètes contemporains
    Disque CNDP, 2002. Enregistrement des lectures diffusées sur France Culture dans Poésie sur parole (émission d'André Velter, Jea, Baptiste Para et Vanessa Nadjar) lors de la semaine consacrée à Victor HUGO, en 2002.


    Hubert-Félix THIÉFAINE
    Autorisation de délirer

    Nous voilà de nouveau branchés sur le hasard
    avec des générateurs diesel à la place du coeur
    et des pompes refoulantes au niveau des idées...
    Le vent souffle à travers nos crânes ITT Océanic couleurs !!!
    A la page 144 de leur programme,
    la petite cover-girl emballée sous cellophane
    s'envoie en l'air à l'Ajax W.-C
    Orgie de silence et de propreté
    ou celui qui aurait encore
    quelque chose à dire préfère se taire plutôt que d'avoir
    à utiliser leurs formulaires d'autorisation de délirer...
    Demain, nous reviendrons
    avec des révolvers au bout de nos yeux morts...

    Serge PEY
    Graffiti

    Graffiti n° 1
    DANS UN PAYS
    OÙ L'ON DRESSE
    UNE STATUE POUR LA LIBERTÉ
    SEULE
    LES STATUES SONT LIBRES
    Graffiti n° 2
    DANS UN PAYS
    OÙ DIEU
    EST CRUCIFIÉ
    SEULE
    LA TORTURE EST LIBRE
    Graffiti n° 3
    DANS UN PAYS
    QUI NE PARLE PLUS
    LA LANGUE DE SA TERRE
    SEULS
    LES DICTIONNAIRES SONT LIBRES
    Graffiti n° 4
    DANS UN PAYS
    OÙ L'ON FAIT DES IMAGES
    POUR REMPLACER LE FEU
    SEULE
    LA TÉLÉVISION EST LIBRE
    Graffiti n° 5
    DANS UN PAYS
    OÙ LE PÉTROLE RECOUVRE
    LES OISEAUX DE MER
    SEULS
    LES DÉSINFECTANTS SONT LIBRES
    Graffiti n° 6
    DANS UN PAYS
    OÙ L'ON PHOTOGRAPHIE
    LES DERNIERS ARBRES
    SEUL
    LES SOUVENIRS SONT LIBRES
    Graffiti n° 7
    DANS UN PAYS
    OÙ L'ON HÉSITE
    ENTRE LES ENFANTS ET LES CHIENS
    SEULS
    LES COLLIERS SONT LIBRES
    Graffiti n° 8
    DANS UN PAYS
    OÙ L'ON PLACE
    L'HONNEUR EN LÉGION
    SEULES
    LES ARMÉES SONT LIBRES
    Graffiti n° 9
    DANS UN PAYS
    OÙ L'ON JETTE
    DES PIERRES SUR L'AMOUR
    SEULES
    LES PIERRES SONT LIBRES
    Graffiti n° 10
    DANS UN PAYS
    OÙ l'ON MET DES MASQUES
    SUR LE VISAGE DES FEMMES
    SEULS
    LES MASQUES SONT LIBRES
    Graffiti n° 11
    DANS UN PAYS
    OÙ L'ON PROCÈDE
    A DES ESSAIS NUCLÉAIRES
    SEULE
    LA RADIO ACTIVITÉ EST LIBRE
    Graffiti n° 12
    DANS UN PAYS
    OÙ LA PENSÉE
    EST MISE EN SONDAGE
    SEULS
    LES POURCENTAGES SONT LIBRES
    Graffiti n° 13
    DANS UN PAYS
    OÙ L'ON RANGE LES PEUPLES
    DANS UN MUSEE DE L'HOMME
    SEULS
    LES MUSÉES SONT LIBRES
    Graffiti n° 14
    DANS UN PAYS
    OÙ L'ON ENCHAINE
    L'UTOPIE DANS DES ASILES
    SEULES
    LES CAMISOLES SONT LIBRES
    Graffiti n° 15
    DANS UN PAYS
    OÙ L'ON RASSEMBLE
    CENT MILLE ENFANTS DANS UN STADE
    SEULS
    LES STADES SONT LIBRES
    Graffiti n° 16
    DANS UN PAYS
    OÙ L'ON DRESSE ENCORE
    UN PALAIS POUR LA JUSTICE
    SEUL
    LE MENSONGE EST LIBRE
    Graffiti n° 17
    DANS UN PAYS
    OÙ LES POÈTES SONT ENFERMÉS
    DANS LES PRISONS
    SEULES
    LES PRISONS SONT LIBRES
    Graffiti n° 18
    CECI N'EST PAS UN POÈME
    CE SONT DES ÎLES
    QUI INVENTENT
    LA MER

    In Quoi de neuf ? Victor Hugo ! Victor Hugo et les poètes contemporains
    Disque CNDP, 2002. Enregistrement des lectures diffusées sur France Culture dans Poésie sur parole (émission d'André Velter, Jea, Baptiste Para et Vanessa Nadjar) lors de la semaine consacrée à Victor HUGO, en 2002.


    Armand Gatti
    L'Improvisation de Kreutzberg

    Berliner Zeitung bz

    Compagnes Compagnons de Berlin comme si nous étions à Kronstadt
    Nous sommes morts (condamnés à mourir jusqu'à quand ?) dans une ville que nous ne connaissons pas. Une ville en insurrection (certes) dont nous avons ramené quelques bribes par ici, par là, avec à la main un fusil sur la gâchette duquel nous n'avons jamais appuyé, avec sur nos livres des mots dont nous n'avons pas le savoir, avec des hommes dont nous n'avons les visages que par recoupement. Nous sommes morts (condamnés à mourir jusqu'à quand ?) dans une ville qui il y a 50 ans s'appelait...

    Compagnes compagnons
    Si nous voyons notre combat dans l'éclairage d'une Vérité en Exil, nous sommes condamnés à la stérilité (et à force de stérilités élues, défenestrées, proclamées, réhabilitées) à la dérision. Nos réalités sociales - un brouillon que chacun s'acharne à copier sur le voisin - ont besoin de mensonges pour être admises, donc des mots. Malheureusement Dieu devient Dieu quand on le nomme mais pas la révolution. Un homme nouveau avec les mots de l'homme ancien c'est une révolution qui s'écrase avant même d'avoir déplié ses ailes. Nous arpentons ce que nous croyons être le futur avec toujours le même chemin de croix se terminant toujours avec les mêmes mots : mon-père-mon-père-pourquoi-m'avez-vous-abandonné ? Là où on attend la fête c'est le sacrifice (toujours lui) qui installe ses piquets. Que cherchent nos promesses en dehors de se dévorer avec des mots venus d'autres expériences que celles de nos nécessités ?

    Compagnes compagnons
    A Berlin, on meurt pour la Révolution mais on ne la fait pas. Etait-ce le mal vieux d'un siècle dont souffrait Georg Von R. et qui l'avait amené dix jours avant Noël au rendez-vous de la rue aux quatre cimetières ?

    Compagnes compagnons
    Qui se souvient du langage-récréation et des contacts qu'il a gardés avec l'écriture du vent et de la pluie ? Quels mots ont-ils conservés le rythme des oiseaux, des saisons et des poissons dans les rivières. Ces rythmes nous gouvernent et nous croyons les renverser en exterminant leur représentant. Le langage-récréation est devenu le langage-tourmente. Et de plus il est condamné à être sans dialogue. C'est sûr que nous allons crever sous notre propre merde. Et après ?

    Compagnes compagnons
    Le dire n'est qu'un alignement de taudis hanté par l'infini qu'ils sont seuls à voir parce que leurs fenêtres en papier huilé sont seules à les nommer. Il suffoque sous le vide qu'il crée pour respirer. Et l'hôpital désaffecté de Kreutzberg ?

    Compagnes compagnons
    La nuit des barricades il n'y avait à Paris qu'un seul univers mis en place où chacun selon l'humeur venait boire. Cet univers unique, nos spectacles l'ont cherché dans la rue (jusqu'à la place centrale de Kronstadt) et ne l'ont point trouvé. Notre manif l'a cherché jusqu'au mur et ne l'a point trouvé. Votre occupation ne le trouvera pas davantage dans cet hôpital désaffecté. Il accompagne (à votre insu, comme à celui des Gattis qui m'ont donné rendez-vous à la gare de la Friedrichstrasse) l'enfant de mai, fugitif se (nous) cherchant dans toutes les rues du monde. Pour lui, spectacle, manif, occupation de la rue ne chercheront plus à effacer une mort mais l'attente de la mort (les usines ne sont rien d'autre).

    Compagnes compagnons
    Nous sommes morts (condamnés à mourir jusqu'à quand ?) dans une ville qui il y a cinquante ans s'appelait Kronstadt. Elle continue à s'appeler Kronstadt car depuis Kronstadt fait partie de toutes les villes du monde et nous y mourons jour après jour, avec des complicités d'il y a cinquante ans, des mots d'ordre comme des poissons sur la terre sèche échappant aux catégories qui nous décrivent. Est-ce un combat que de s'adapter au passé et aux pseudo-événements dont il nous persécute et dans lesquels il nous cloisonne ?

    Compagnes compagnons
    Si nous ne trouvons pas les mots qui permettront aux choses de nous voir différemment et si nous ne nous multiplions pas à l'intérieur de cette vision, nous sommes condamnés. Par nous. Si nous ne pouvons construire le Saïgon mythique construit par les clandestins, avec leurs paysages, leurs planques, leurs lignes de force, leur rendez-vous et les signes d'intelligence qui les protègent - un Saïgon qui n'a rien à voir avec le Saïgon officiel, celui du pouvoir, tout en étant le même Saïgon - une ville plus vraie que celle dans laquelle nous sommes et dont tous les mécanismes sont dans nos têtes à l'état de frein, nous sommes morts (condamnés à mourir jusqu'à quand ?) dans une ville que.

    Compagnes compagnons

    (Publié dans la revue AXOLOTL n° 1)

    In Quoi de neuf ? Victor Hugo ! Victor Hugo et les poètes contemporains
    Disque CNDP, 2002. Enregistrement des lectures diffusées sur France Culture dans Poésie sur parole (émission d'André Velter, Jea, Baptiste Para et Vanessa Nadjar) lors de la semaine consacrée à Victor HUGO, en 2002.


    Léo FERRE
    Des armes

    Repris par Noir désir dans leur album des Visages, des Figures (Barclay, 2001), cette chanson de Ferré servira de conclusion (temporaire) à cette longue page. Chanson, poésie, politique réunies, que demander de plus ?

    Des armes, des chouettes, des brillantes
    Des qu'il faut nettoyer souvent pour le plaisir
    Et qu'il faut caresser comme pour le plaisir
    L'autre, celui qui fait rêver les communiantes

    Des armes bleues comme la terre
    Des qu'il faut se garder au chaud au fond de l'âme
    Dans les yeux, dans le coeur, dans les bras d'une femme
    Qu'on garde au fond de soi comme on garde un mystère

    Des armes, au secret des jours
    Sous l'herbe, dans le ciel et puis dans l'écriture
    Des qui vous font rêver très tard dans les lectures
    Et qui mettent de la poésie dans les discours

    Des armes, des armes, des armes
    Et des poètes de service à la gâchette
    Pour mettre le feu aux dernières cigarettes
    Au bout d'un vers français brillant comme une larme


    Créé 08/02/02
    Modifié 26/11/02
    Noosphère 2, 2002
    noosphere2@chez.com