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Alain KERVERN Tro Breizh : en notre faim, notre commencement
Sur la pointe des pieds
à Commana
l'étoile des Bergers
Point du jour
à nommer chaque chose
le merle s'enivre
Tro Breizh : en notre faim, notre commencement, Skol Vreizh, 2001
Peintures, Jean-Claude FAUJOUR
Haïku, Alain KERVERN
Texte, Projet pour une iconostase, Fanch MORVANNOU
Préface, Anne GUILLOU
D'autres haïku d'Alain KERVERN sont cités en page Court de ce site.
Pierre TANGUY
Haïku du chemin en Bretagne intérieure
Tohu-bohu des poubelles
L'oiseau de six heures
A suspendu son chant
Haïku du chemin en Bretagne intérieure, La part commune, (16, quai Duguay-Trouin 35000 Rennes), 2002
D'autres haïku de Pierre TANGUY sont cités en page Court de ce site.
Henry BAUCHAU Le petit jour
À museau gris de musaraigne, la neige mince de janvier
La neige a dénoué ses paumes et tombe sur le point du jour
Où je m'éveille sur le seuil, dans la position des gisants
Dont les noms de gloire et d'oubli, lorsque je les lis sur leurs tombes, ne me rappellent presque rien.
Je regarde mon âge, je regarde la neige, je ne regarde rien
Je me souviens du cimetière sur la pente au-dessus de la baie
Et de l'église qui abritait les morts avec sa longue échine usée.
Tu es assis sur le mur de pierre, tu regardes Dominique marcher entre les tombes avec Jacques et tu vois
Un pays où les Saintes Femmes, naviguant dans une auge de pierre, peuvent être un matin amenées par le flux
Portant un morceau de la croix et parlant avec un certain désordre aux pêcheurs qui les aident à descendre
Du Christ, de la promesse et de leur voyage sur la mer et dans le pays d'aventure.
Près d'elles se tient un homme étourdi par le vent, le sel et ce mouvement de paroles
Qui les interrompt parfois pour ajouter une précision et demander s'il est possible
De louer une barque ou un atelier car il connaît plusieurs métiers et son souci
Est de pêcher en mer et de tailler le bois afin de nourrir les femmes
Pendant qu'elles prieront le Seigneur ou parleront de Lui à ces gens d'ici qui ont l'air honnête.
Il est beau d'entendre parler Dieu, d'etre nourri par la parole et par les anges sur les gouffres de l'océan
Mais il n'est pas d'avis de prolonger le miracle, il sait que le temps est venu
De reprendre l'outil et d'avancer l'ouvrage.
Tu regardes la neige qui a les mains ouvertes des Saintes Femmes
Son souffle entre dans tes poumons, ton corps
Se réjouit et s'élance vers sa sœur innombrable.
Je suis dans le long jour d'été, dans la lumière décroissante au-dessus de la mer
Mes mains palpent le sol ancien, les hommes des millénaires
Ont peu à peu creusé cette forme intérieure, ce lieu où je me tiens pour mon temps d'ignorance.
Je regardais la mer, je regarde la neige, je ne regarde rien.
Et je vois Dominique au milieu des tombes avec Jacques le Majeur, celui qui enseigne et qui sait
Qu'il sera Jacques le Mineur, celui qui ausculte et qui sonde.
Ainsi la neige dans les branchages du pommier, sous la couronne d'anthracite, invente un Christ aux cheveux blancs
Et dans le point du jour où j'aurai soixante ans, j'entre dans ma saison d'humilité pendant que les sapinières
Sont célébrées par les épaules dans leurs manteaux de Templiers
Que j'ai aimé la gloire des corps ! Non point trop, Seigneurs, écoutez
Un beau conte d'amour et de mort, le chant réel
De l'existence imaginaire où la journée bretonne
Et son incertaine assomption dans l'auge de pierre et de sel
Où l'apparition des Saintes Femmes dans cet anniversaire de nuages
N'ont que de faibles liens avec le parcours aveuglé de ma vie mais une charnière séculaire
Avec le temps obscur, les couleurs, les chaleurs, les portes sous-marines
Dans l'espace joueur et la lumière d'avant-naître
Avant les chambres et les prisons de la parole
Lorsque tout s'écrivait pour tous avec un corps.
À longs pas de muettes attendues tout le mois, la neige au ventre d'hirondelle
La neige a traversé ma nuit, elle tombe pour de très longs jours
Et dans la chétive lumière, entre la neige et le flocon
On voit qu'il n'y a rien, aucune forme de passage.
Est-ce pour cela que Lénine estimait nécessaire la disparition
De l'homme moyen d'aujourd'hui ?
Oui, de cet homme que je suis.
Les flocons cherchent, les flocons voient la forme originelle.
La neige étend son giboyeux poèmes. Assemblée de flocons
La neige ne peut rien sans toi, mais ne te prends pas pour la neige.
La Chine intérieure, Actes Sud, 2003
(édition originale, Seghers, 1974)
Henry BAUCHAU Le mouvement de la neige
Le mouvement de la neige qui tombe, son léger mouvement de retrait
C'est l'eau qui s'est rendue visible
C'est ton enfance surprise à l'entrée de ta chambre
Où les grandes personnes attendaient en silence.
Cette entreprise du poème qui te barre la vie
Ce mur depuis des mois que tu élèves pour l'abattre
C'est le bélier qui va casser ton chant d'aveugle
Et dans l'infirme oreille
Briser les tables de la Loi et la muraille de la Chine.
La Chine intérieure, Actes Sud, 2003
(édition originale, Seghers, 1974)
Gérard BOCHOLIER
Aube
À pas de loup
L'aube est venue
Un loup teinté de gris et de rose
Sans dents féroces
Sans faim de loup
Avaler les jardins les rues
Les faces obscures des choses
Laper la mer comme un vin doux
Toute la mer où vont les roses.
Si petite planète
1989, Cheyne éditeur, 43400 Le Chambon-sur-Lignon
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