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Vaste sujet que la nature en poésie...

N'attendez pas petites fleurs et charmants zosiaux aux roucoulements sucrés !
La nature, regardez la bien : c'est des horreurs qui poussent pour le bonheur de pousser, c'est des bestioles qui n'en finissent pas d'évoluer et de se reproduire.
Toujours de nouvelles espèces, toujours de nouvelles formes...

Pour quoi faire ?

Si vous cherchiez des fleurs, allez plutôt voir du côté d'Omar Khayyam

Dans cette page, il est question de nature comme il est question de nature dans les haïkus.
Sans plus.

Bonne lecture

  • Léo FERRE, Le printemps des poètes
  • Yehuda AMICHAÏ, Ma vie est le jardinier de mon corps
  • Intermède : Ar c'hleuz ne vez get graet...
  • Index synonymique de la flore française
  • Jules SUPERVIELLE, Je caresse la mappemonde
  • Gilles BAUDRY, Des fourmis aux étoiles...
  • Guillaume APOLLINAIRE, Mai
  • Nuit rhénane
  • Intermède : Ar bodennoù...
  • Automne
  • Les colchiques
  • Signe
  • L'Adieu
  • Nino FERRER, Le Sud
  • Intermède : j'achèterai un coin d'herbe... par Omar KHAYAM
  • La maison près de la fontaine
  • Il pleut bergère
  • Intermède : Mohammed FAQIH SALEH, Souhait
  • l'arche de Noé
  • Hubert Félix THIEFAINE, Soleil cherche futur
  • Alligators 427
  • Intermède : Evit ober goap anezhañ
  • Aharon AMIR, A la fin des fins

  • Léo FERRE
    Le printemps des poètes

    J'ai vécu des printemps fabuleux en hiver
    Pendant que le vulgaire était tout emmouflé
    Je soufflais sur mes mains à son cul à son nez
    V'là-t'y pas qu'ses bourgeons sortaient m'en jouer un air

    Le printemps ça s'invente et ça se fout en taule
    Le printemps c'est ma mine avec ses airs de chien
    Qui vient tout ébahie me montrer tout son bien
    Le temps de déposer mon arme de l'épaule

    Et oui c'est ça monsieur le printemps des poètes
    Tout juste un peu d'hiver pour rompre les façons
    Un quart d'été un quart d'automne et des chansons
    Et s'il fait encor frais on se met la casquette

    On va faire des pique-niques du côté des ballots
    On va se mettre au vert en croyant aux histoires
    Et l'on se sent mourir au bord d'une guitare
    Quand la mort espagnole envoie son flamenco

    Ce qu'il faut de désirs aux heures de l'ennui
    Et ce qu'il faut mentir pour que mentent les choses
    Ce qu'il faut inventer pour que meurent les roses
    L'espace d'un matin l'espace d'une nuit

    Jamais ne vient l'avril dans le fond de mon coeur
    Cet éternel hiver qui bat comme une caisse
    Qu'on clouerait sans répit depuis que ma jeunesse
    A décidé d'aller se faire teindre ailleurs

    Yehuda AMICHAÏ
    Ma vie est le jardinier de mon corps

    Ma vie est le jardinier de mon corps.

    Mon cerveau une serre bien fermée
    avec des plantes et des fleurs
    étranges et étrangères,
    sensibles et impatientes.

    Le visage un jardin français
    dessiné de formes précises et de ronds-points
    pavés de marbre et de sculptures,
    de lieux de repos,
    toucher,
    sentir,
    regarder
    et se perdre dans un labyrinthe vert de sentiers :
    ne pas piétiner, ne pas cueillir.

    Le corps supérieur au-dessus du nombril
    est un parc anglais qui a des airs de liberté
    sans angles ni dallage,
    semblable à la nature de l'homme,
    fait à notre image,
    ses mains le rattachent à la grande nuit autour.

    Mon corps inférieur, sous le nombril,
    est tantôt une réserve naturelle
    terrible,
    sauvage
    et merveilleuse,
    préservée mais non conservée,
    tantôt un jardin japonais
    concentré d'arrière-pensée et d'actes posés,
    les testicules et le membre de pierre polie,
    une végétation sombre au milieu et des sentiers précis plein de sens et d'apaisement.

    Et les commandements de mon père et les ordres de ma mère
    sont chants d'oiseaux et chansons.
    Et la femme que j'aime
    est multiple saisons et temps,
    Et les enfants qui jouent
    sont mes enfants.

    Et cette vie est la mienne.

    Yehuda Amichaï, Début fin début, traduit de l'hébreu et présenté par Michel Eckhard-Elial, Editions de l'éclat, 2001


    Ar c'hleuz ne vez ket graet eus un tu hepken.

    Le talus n'est pas fait d'un côté seulement.
    One does not build an embankment on only one side.

    Krennlavarioù brezhonek/Proverbes bretons/Breton proverbs, Lukian KERGOAT, Coop breizh, 1996


    Index synonymique de la flore de France par Michel KERGUELEN

    http://www.inra.fr/flore-france
    J'apprécie en particulier la section qui comprend tous les noms des roses de France : http://www.inra.fr/flore-france/roc-roz.htm
    Il y en a beaucoup plus qu'on ne le pense car cet index recense tous les synonymes, c'est à dire tous les noms qu'une même variété a pu prendre selon les régions, selon les découvreurs et les flores anciennes.

    Ils assurent la réalisation et la diffusion de cet index magique :
    Responsable de l'Index sur ce serveur : J.-P. Lonchamp (Jean-Pierre.Lonchamp@dijon.inra.fr)
    Comité scientifique de diffusion de l'Index : animation et secrétariat : F. Bensettiti (bensetti@cimrs1.mnhn.fr); Membres : Service du Patrimoine Naturel - I.E.G.B .- Muséum National d'Histoire Naturelle : F. Bensttiti ; INRA : P. Allemand, P. Jauzein, J.-P. Lonchamp ; Université d'Aix-Marseille III : H. Brisse, Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement : H. Hoyami.


    Jules SUPERVIELLE

    Je caresse la mappemonde
    Jusqu'à ce que sous mes longs doigts
    Naissent des montagnes, des bois
    Et je me mouille en l'eau profonde
    Des fleuves, et je fonce avec eux
    Vers l'océan vertigineux
    Débordant de partout mes yeux
    Dans la fougue d'un autre monde

    Gilles BAUDRY

    Des fourmis aux étoiles
    de l'herbe à Dieu
    quelle musique
    infiniment déploie
    ses ondes
    ses réseaux
    ses ramures invisibles
    à faire se toucher l'ici
    l'ailleurs
    l'intime
    et l'infini des mondes ?

    A Sylvie Reff.

    Invisible ordinaire, Rougerie, 1995


    Guillaume APOLLINAIRE
    Mai

    Le mai le joli mai en barque sur le Rhin
    Des dames regardaient du haut de la montagne
    Vous êtes si jolies mais la barque s'éloigne
    Qui donc a fait pleurer les saules riverains

    Or des vergers fleuris se figeaient en arrière
    Les pétales tombés des cerisiers de mai
    Sont les ongles de celle que j'ai tant aimée
    Les pétales flétris sont comme ses paupières

    Sur le chemin du bord du fleuve lentement
    Un ours un singe un chien menés par des tziganes
    Suivaient une roulotte traînée par un âne
    Tandis que s'éloignait dans les vignes rhénanes
    Sur un fifre lointain un air de régiment

    Le mai le joli mai a paré les ruines
    De lierre de vigne vierge et de rosiers
    Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers
    Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes


    Guillaume APOLLINAIRE
    Nuit rhénane

    Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
    Ecoutez la chanson lente d'un batelier
    Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
    Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds

    Debout chantez plus haut en dansant une ronde
    Que je n'entende plus le chant du batelier
    Et mettez près de moi toutes les filles blondes
    Au regard immobile aux nattes repliées

    Le Rhin le Rhin est ivre où les vignes se mirent
    Tout l'or des nuits tombe en tremblant s'y refléter
    La voix chante toujours à en râle-mourir
    Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été

    Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire


    Ar bodennoù o deus daoulagad

    Les buissons ont des yeux.
    Bushes have eyes.

    Krennlavarioù brezhonek/Proverbes bretons/Breton proverbs, Lukian KERGOAT, Coop breizh, 1996


    Guillaume APOLLINAIRE
    Automne

    Dans le brouillard s'en vont un paysan cagneux
    Et son boeuf lentement dans le brouillard d'automne
    Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux

    Et s'en allant là-bas le paysan chantonne
    Une chanson d'amour et d'infidélité
    Qui parle d'une bague et d'un coeur que l'on brise

    Oh! l'automne l'automne a fait mourir l'été
    Dans le brouillard s'en vont deux silhouettes grises

    C'est encore une fois l'automne... de georges Schehadé


    Guillaume APOLLINAIRE
    Les colchiques

    Le pré est vénéneux mais joli en automne
    Les vaches y paissant
    Lentement s'empoisonnent
    Le colchique couleur de cerne et de lilas
    Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là
    Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
    Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne

    Les enfants de l'école viennent avec fracas
    Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica
    Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
    Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
    Qui battent comme les fleurs battent au vent dément

    Le gardien du troupeau chante tout doucement
    Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
    Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne


    Guillaume APOLLINAIRE
    Signe

    Je suis soumis au Chef du Signe de l'Automne
    Partant j'aime les fruits je déteste les fleurs
    Je regrette chacun des baisers que je donne
    Tel un noyer gaulé dit au vent ses douleurs

    Mon Automne éternelle ô ma saison mentale
    Les mains des amantes d'antan jonchent ton sol
    Une épouse me suit c'est mon ombre fatale
    Les colombes ce soir prennent leur dernier vol


    Guillaume APOLLINAIRE
    L'Adieu

    J'ai cueilli ce brin de bruyère
    L'automne est morte souviens-t'en
    Nous ne nous verrons plus sur terre
    Odeur du temps brin de bruyère
    Et souviens-toi que je t'attends

    Nino FERRER
    Le Sud

    C'est un endroit qui ressemble à la Louisiane
    A l'Italie
    Il y a du linge étendu sur la terrasse
    Et c'est joli

    On dirait le Sud
    Le temps dure longtemps
    Et la vie sûrement
    Plus d'un million d'années
    Et toujours en été

    Y'a plein d'enfants qui se roulent sur la pelouse
    Y'a plein de chiens
    Y'a même un chat, une tortue, des poissons rouges
    Il ne manque rien

    On dirait le Sud
    Le temps dure longtemps
    Et la vie sûrement
    Plus d'un million d'années
    Et toujours en été

    Un jour ou l'autre il faudra qu'il y ait la guerre
    On le sait bien
    On n'aime pas ça, mais on ne sait pas quoi faire
    On dit c'est le destin

    Tant pis pour le Sud
    C'était pourtant bien
    On aurait pu vivre
    Plus d'un million d'années
    Et toujours en été


    Intermède par Omar KHAYAM

    j'achèterai un petit coin d'herbe...

    Si j'arrive à faire des économies sur le vin,
    J'achèterai un petit coin d'herbe,
    Avec partout parmi les herbes des tulipes superbes,
    Des tulipes jolies comme ma jolie.

    Voilà tout le bonheur d'avoir un jardin !

    D'après la traduction d'Armand Robin, Poésie/Gallimard (285), 1958


    Nino FERRER
    La maison près de la fontaine

    La maison près de la fontaine
    Couverte de vigne vierge et de toiles d'araignée
    Sentait la confiture et le désordre et l'obscurité
    L'automne
    L'enfance
    L'éternité...

    Autour il y avait le silence
    Les guêpes et les nids des oiseaux
    On allait à la pêche aux écrevisses
    Avec Monsieur le curé
    On se baignait tout nus, tout noirs
    Avec les petites filles et les canards...

    La maison près des HLM
    A fait place à l'usine et au supermarché
    Les arbres ont disparu, mais çà sent l'hydrogène sulfuré
    L'essence
    La guerre
    La société...

    C'n'est pas si mal
    Et c'est normal
    C'est le progrès.


    Nino FERRER
    Il pleut bergère

    Quand elle était petite fille
    Elle habitait dans le vieux Sud
    C'est tellement loin déjà tout ça
    C'est tellement loin déjà
    Rappelle toi New-York
    C'était comme sur la planète Mars
    L'Alabama n'a pas changé de place
    Maintenant qu'elle habite en France
    Elle chante une vieille romance

    Il pleut, il pleut bergère
    Rentre tes blancs moutons
    Allons sous ma chaumière
    Bergère vite allons
    J'entends sous le feuillage
    L'eau qui tombe à grand bruit
    Voici venir l'orage
    Voici l'éclair qui luit

    Courrons courrons bergère
    Vois-tu briller là-bas
    Le toit de ma chaumière
    Qui nous abritera
    Voici notre cabane
    La porte va s'ouvrir
    Ma mère et ma soeur Anne
    Viendront nous accueillir

    Bonsoir bonsoir ma mère
    Ma soeur Anne bonsoir,
    J'amène ma bergère
    Près de vous pour ce soir
    Qu'on mène dans l'étable
    Ces brebis, ces agneaux
    Et mettons sur la table
    Laitages et fruits nouveaux

    On soupe, on rit, on chante
    L'orage s'est calmé
    Une amitié touchante
    Unit au coeur charmé
    Bientôt la bergerette
    Las et fermant les yeux
    S'endort dans ma chambrette
    Et fait un rêve heureux

    Bonne nuit, bonne nuit bergère
    Rentre vite dans tes draps
    Prends bien tes somnifères
    Et mets ton pyjama
    J'imaginerai tes rêves
    Jusqu'au lever du jour
    Bonne nuit, bonne nuit bergère
    Je t'aimerai toujours


    Autre intermède :

    Mohammed FAQIH SALEH
    Souhait

    Un lieu
    Comme ce cimetière
    Propre et sûr où
    L'herbe peut somnoler
    Et s'éveiller en liberté.

    Traduit de l'arabe (Libye) par Abdul Kader EL JANABI
    In Poésie 1, la poésie arabe contemporaine, septembre 2001
    Le cherche midi éditeur


    Nino Ferrer
    L'arche de Noé

    D'abord avancez les girafes
    Et puis les vaches et les chevaux
    Les crocodiles et les corbeaux
    Les souris, les hippopotames
    Et les chimpanzés
    Rangez-les-moi bien dans le ventre de l'arche de Noé

    Les hommes nous ont gonflé la tête
    Avec les guerres et la misère et la bêtise
    Alors on a décidé:
    Le déluge !
    Mais les animaux n'y étaient pour rien
    Et c'est pour ça qu'on a fait l'arche de Noé

    Alors rentrez les hyènes et les serpents
    Les autruches, les pies, les dindes
    Et les faisans
    Les zèbres, les chèvres
    Les perroquets
    Rangez-les-moi bien dans le ventre de l'arche de Noé

    Les tigres, les aigles, les buffles, les lièvres
    Les mouches et les chameaux
    Les éléphants, les tortues, les escargots, les marsupiaux
    Les chiens, les chats, les puces, les tiques
    Les ours et les blaireaux
    Rangez-les-moi bien dans le ventre de l'arche de Noé

    Et tous les autres qui n'avaient pas pu rentrer
    Regardaient la pluie qui commençait à tomber
    Ils étaient des milliers devant la porte fermée
    Pendant que la mer emportait l'arche de Noé


    Hubert Félix THIEFAINE
    Soleil cherche futur

    L'infirmier de minuit distribue le cyanure
    Et demande à Noé si le charter est prêt
    Oh mec il manque encore les ours et les clônures
    Mais les poux sont en rut faut décoller pas vrai
    Et les voilà partis vers d'autres aventures
    Vers les flèches où les fleurs flashent avec la folie
    Et moi je reste assis les poumons dans la sciure
    A filer mes temps morts à la mélancolie
    Soleil, soleil
    N'est-ce pas merveilleux de se sentir piégé

    Paraît que mon sorcier m'attend à Chihuaha
    Ou bien dans un clandé brumeux de Singapour
    Mais je traîne les PMU avec ma gueule de bois
    En rêvant que la barmaid viendra me causer d'amour
    Et je tombe sur l'autre chinetoque
    Dans cette soute à proxos
    Qui me dit viens prendre un verre tu m'as l'air fatigué
    Laisse tomber ta cuti deviens ton mécano
    C'est depuis le début du monde
    Que l'homme s'est déchiré
    Soleil, soleil
    N'est-ce pas merveilleux de se sentir piégé

    Adieu Gary Cooper, adieu Che Guevara
    On se fait des idoles pour planquer nos moignons
    Maintenant le vent s'engouffre dans les nirvânas
    Et nous sommes prisonniers de nos regards bidons
    Les monstres galactiques projettent nos bégaiements
    Sur les murs de la sphère où nous rêvons d'amour
    Mais dans les souterrains les rêveurs sont perdants
    Serions-nous condamnés à nous sentir trop lourds
    Soleil, soleil
    N'est-ce pas merveilleux de se sentir piégé ?


    Hubert Félix THIEFAINE
    Alligators 427

    Alligators 427
    aux ailes de cachemire safran
    je grille ma dernière cigarette
    je vous attends
    Sur cette autoroute hystérique
    qui nous conduit chez les mutants
    j'ai troqué mon coeur contre une trique
    je vous attends
    Je sais que vous avez la beauté destructive
    et le sourire vainqueur jusqu'au dernier soupir
    je sais que vos mâchoires distillent l'agonie
    Moi je vous dis : bravo et vive la mort !

    Alligators 427
    à la queue de zinc et de sang
    je m'tape une petite reniflette
    je vous attends
    Dans cet étrange carnaval
    on a vendu l'homo sapiens
    pour racheter du Néandertal
    je vous attends
    Et les manufactures ont beau se recycler
    y aura jamais assez de morphine pour tout le monde
    surtout qu'à ce qu'on dit, vous aimez faire durer
    Moi je vous dis : bravo et vive la mort !

    Alligators 427
    aux longs regards phosphorescents
    je mouche mon nez, remonte mes chaussettes
    je vous attends
    Et je bloque mes lendemains
    je sais que les mouches s'apprêtent
    autour des tables du festin
    je vous attends
    Et j'attend que se dressent vos prochains charniers
    j'ai raté l'autre guerre pour la photographie
    j'espère que vos macchabés seront bien faisandés
    Moi je vous dis : bravo et vive la mort !

    Alligators 427
    aux crocs venimeux et gluants
    je donne un coup de brosse à mon squelette
    je vous attends
    L'idiot du village fait la queue
    et tend sa carte d'adhérent
    pour prendre place dans le grand feu
    je vous attends
    J'enttends siffler le vent au-dessus des calvaires
    et je vois les vampires sortir de leurs cercueils
    Pour venir saluer les anges nucléaires
    Moi je vous dis : bravo et vive la mort !

    Alligators 427
    aux griffes d'or et de diamant
    je sais que la ciguë est prête
    je vous attends
    Je sais que dans votre alchimie
    l'atome ça vaut des travellers-chèques
    et ça suffit comme alibi
    je vous attends
    A l'ombre de vos centrales je crache mon cancer
    je cherche un nouveau nom pour ma métamorphose
    je sais que mes enfants s'appelleront vers de terre
    Moi je vous dis : bravo et vive la mort !

    Alligators 427
    au cerveau de jaspe et d'argent
    il est temps de sonner la fête
    je vous attends
    Vous avez le goût du grand art
    et sur mon compteur électrique
    j'ai le portrait du prince-ringard
    je vous attends
    Je sais que désormais vivre est un calembour
    la mort est devenue un état permanent
    le monde est aux fantômes, aux hyènes et aux vautours
    Moi je vous dis : bravo et vive la mort !


    An douar a zo re gozh
    Evit ober goap anezhañ

    La terre est trop vieille
    Pour qu'on se moque d'elle.
    The earth is too old
    For people to make fun of it.

    Krennlavarioù brezhonek/Proverbes bretons/Breton proverbs, Lukian KERGOAT, Coop breizh, 1996


    Aharon AMIR
    A la fin des fins

    A la fin des fins
    il faudra bien reprendre tout à la genèse
    et quand se sera dissipé la fumée-champignon
    quand la terre sera nettoyée de la pourriture radio-active
    pour un temps, un temps-et-demi,
    tout reprendra à la génèse -
    peut-être dans l'île de Tasmanie
    ou au congo ou sur les cimes de l'Ararat
    et qui sait, peut-être chez nous, entre le Pichone et le Guihone
    verra-t-on retracer la ligne entre ciel et terre
    entre les eaux supérieures et les eaux inférieures -
    Mais cette fois, je ne viendrai pas le sixième jour
    car je contemplerai tout cette fois du commencement
    et cette fois, le créateur sera formé à mon image
    moi je lui dirais ce qu'il doit faire
    moi je lui fixerai l'ordre des créations
    et de mes propres mains, moi je prendrai Eve
    Eve la nouvelle
    de mes côtes -
    et nous n'attendrons pas pour nous couvrir de feuilles de figuier
    de la tête aux pieds
    et sans aucun picnic au paradis
    sans jouer avec Dieu et le serpent
    nous nous mettrons au pénible labeur
    et cette fois, peut-être, ça ira.

    Aharon AMIR, traduit par Nicolas M. LAZAR, Poètes israéliens d'aujourd'hui (choix de poèmes), Albin Michel, Collection Présence du Judaïsme, 1960


    Créé 08/02/02
    Modifié 02/12/2002
    Noosphère 2, 2002
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